LA RELÈVE ARTISTIQUE ET SES COUPS DE THÉÂTRE

 

Rien ne freine l’enthousiasme des responsables de l’Espace La Risée, situé dans le quartier Rosemont de Montréal. Pour Maya Gobeil, Marie-Ève Charbonneau et tout le reste de la compagnie, le théâtre est au coeur de leurs passions, et leurs efforts pour soutenir la relève sont tout simplement admirables.

 

UNE POSSIBILITÉ D’EXPRESSION

 

Établi depuis bientôt quinze ans dans la métropole, l’Espace La Risée est le fruit d’une idée somme toute audacieuse. En effet, au lieu d’aller cogner aux portes de divers théâtres jusqu’à la fin des temps dans l’espoir de s’y faire une place, pourquoi ne pas avoir son propre lieu de création, de diffusion, voire de rassemblement ? Et puisqu’on y est, pourquoi ne pas encourager la relève artistique et les finissants en leur donnant l’occasion de se produire en spectacle et, par le fait même, de se faire connaître ? Cette idée, issue d’une forte conscience du passage parfois laborieux de l’école au monde du théâtre, a fini par faire partie intégrante de la mission de La Risée : apporter un maximum de soutien à ces artistes et diffuser leur vision créatrice à la plus grande échelle possible. Certes, les choses ont évolué petit à petit : «Nous avons eu l’idée au départ d’avoir une troupe pour former des étudiants spécialisés en clown et en commedia dell’arte. Ensuite, nous a vu plus grand. Nous avons voulu ouvrir les portes à quantité d’artistes au moyen de soirées cabaret thématiques mensuelles où plusieurs d’entre eux pouvaient collaborer à l’effort de création. Avec le temps, nous avons roulé notre bosse. Nous sommes passées des soirées cabaret à une programmation officielle en 2012. » Puis, l’Espace La Risée a pu faire peau neuve : «Nous avons reçu une subvention pour rénover notre lieu et le mettre au goût du jour. Nous désirions offrir un accès à une salle professionnelle et tout équipée, tout en maintenant nos prix les plus bas possible. » Aujourd’hui, La Risée, lieu «où l’on n’a pas froid aux yeux, où l’on crée et essaie des choses », est en mesure de s’autofinancer suffisamment pour exister en toute indépendance. Un tour de force peut-être dans le monde des arts, mais qui se veut réalisable.

 

L’Espace La Risée, scène membre Teatricus avec Marie-Ève Charbonneau , Maya Gobeil – Photo : Nidesco

 

DU COEUR & UNE VOIE POUR LES ARTISTES FÉMININES

 

Au cœur de la mission de La Risée se trouve certes le soutien à la relève et aux finissants, mais aussi aux artistes féminines de tous âges. Ce dernier groupe leur tient particulièrement à cœur : «À l’heure actuelle, la représentativité des femmes de théâtre est un grand enjeu au Québec. Dans notre domaine, le ratio homme-femme est très alarmant. Nous trouvons extrêmement important d’être bien représentée sur scène, mais pas seulement sur celle-ci : notre personnel et celui de la billetterie, entre autres, est surtout composé de femmes. » Leur conviction est soutenue par des statistiques récentes issues du regroupement Femmes pour l’équité en théâtre (FET) : « [Il] a produit des statistiques très troublantes au sujet de la représentativité des femmes de théâtre au Québec. Le regroupement FET a mis en commun les programmations des quelques dernières années pour ensuite établir des ratios homme-femme dans les catégories auteurs, metteurs en scène et artistes de scène. Et les données donnent froid dans le dos… Même si nous tentons de nous modeler sur certains aspects des théâtres institutionnels, nous nous en distinguons par notre grande représentativité féminine sur scène. » Maya Gobeil et Marie-Ève Charbonneau ne laissent planer aucun doute sur leur prise de position : « En tant que directrices de théâtre fonceuses n’ayant jamais ressenti le besoin d’être épaulées ou dirigées, et qui ont créé un événement dans le contexte de la journée de la femme, il est naturel que nous nous battions pour changer la donne à cet égard. »

 

L’espace La Risée, scène membre Teatricus, avec Maya Gobeil – Photo : Nidesco

 

TENACES ET FIÈRES DE L’ÊTRE

Malgré toutes les difficultés auxquelles elles font face, les responsables de l’Espace La Risée persistent : « Nous prenons des risques. Nous dirigeons un lieu de création et de diffusion sans être subventionnées. Nous soutenons la relève et les artistes féminines, deux créneaux qui font peur. Mais il faut tout de même des gens audacieux et téméraires, pas vrai ? C’est par l’union de nos forces, celles des hommes y comprises (!), que le tout en vient à se réaliser. » Et s’il est une grande difficulté avec laquelle ces femmes doivent composer, c’est celle du financement gouvernemental qui va en se réduisant : « les budgets gouvernementaux rétrécissent à vue d’œil, mais le nombre d’artistes et de compagnies émergents augmente chaque année, ce qui resserre fortement l’entonnoir de la production et de la diffusion. À un point tel que certains s’autofinancent malgré les risques énormes auxquels ils s’exposent. Donc, trouver un diffuseur qui prendra le risque de diffuser et de produire une création peu importe l’accueil qui lui sera réservé se révèle extrêmement difficile, voire impossible. » Elles renchérissent : « En effet, le diffuseur est contraint de choisir le projet le plus susceptible d’attirer de la clientèle. C’est dommage d’être aussi coincées sur le plan du financement. Ça devrait être l’inverse : le théâtre devrait être amplement soutenu, amplement pratiqué, même dans la rue, chose qui n’existe pas au Québec. On doit donc se produire dans un théâtre, et pour le faire, les diffuseurs doivent croire en notre projet. Mais sans tête d’affiche ou vedette, c’est difficile. Et la relève n’en compte pas ! Pour le devenir, il faut des lieux de création, de diffusion, de mise en commun des ressources et du matériel. La Risée est justement un lieu de ce genre, et nous en sommes très fières. Les grands théâtres et leurs grandes missions, c’est bien, mais nous voulons que les gens soutiennent la relève locale au même titre qu’ils soutiennent le commerce local ! Car après tout, si personne ne croit en la relève, elle en restera à ce stade là ! » Maya Gobeil et Marie-Ève Charbonneau déplorent également d’autres effets pervers du financement actuel du gouvernement du Québec : «Certaines des grosses subventions du gouvernement ne semblent pas toujours être octroyées en fonction des besoins du milieu artistique. C’est à croire que si le projet ne s’autofinance pas, il ne mérite pas d’être vu ou diffusé. Mais il faut se souvenir qu’une grosse équipe se trouve habituellement derrière une production, ce qui rend quelque peu aberrant le financement obtenu pour un monologue, comparé à celui, souvent moindre, obtenu pour une équipe de cinq ou six comédiens. C’est une dure réalité pour les acteurs, les metteurs en scène ainsi que les compagnies. Monter tel ou tel spectacle leur coûtera souvent trop cher, et c’est bien dommage, car ce financement inégal réduit les possibilités et les idées de projet des artistes du Québec. »

 

L’Espace La Risée, scène membre Teatricus – Photo : Nidesco

 

LA CONTRIBUTION ARTISTIQUE

 

Membre engagé de la société, l’Espace La Risée y contribue par l’offre de services se déclinant en deux volets. Le premier tourne autour de la location de sa salle aux artistes à des fins culturelles, communautaires et personnelles. De plus, ceux et celles dont le spectacle est intégré à la programmation de La Risée bénéficient, moyennant un partage des recettes de billetterie, d’un énorme rabais de location de la salle. Ce partage des recettes est tout de même assorti de services et d’offres complémentaires à celui de la location. La Risée offre par exemple des heures gratuites de montage en salle, le soutien d’un directeur technique et des rabais dans le but d’encourager les artistes à venir voir les spectacles de leurs confrères. Aussi, pour créer un sentiment d’appartenance au lieu dans lequel ils se produisent, ceux et celles faisant partie de la programmation bénéficient d’un rabais de 50 % aux premières, et ce pour toute la saison. Aussi, La Risée offre un service de conception d’affiche et d’impression, en plus d’organiser des 5@7 très festifs au début du mois de septembre, où chaque artiste présente un extrait de trois minutes de son spectacle afin de persuader les gens d’y assister : «Notre formule n’est sans doute pas courante, mais comme il s’agit de la relève, nous jugeons pertinent que ces artistes soient sur scène pour se promouvoir, ne serait-ce que trois minutes, car il s’agit là d’une occasion de se faire connaître. » Leur accompagnement se veut donc aussi bien artistique qu’administratif, car au sortir de l’école, personne n’est entièrement outillé. Mais l’Espace La Risée souhaite également contribuer au succès du théâtre en le revalorisant à notre époque friande de nouvelles technologies : « Il y a trop de télévision, trop de téléphones, trop d’appareils sur lesquels on peut naviguer. On le sait, c’est un phénomène de société. Mais le théâtre ne se prête pas, et ne se prêtera jamais, aux impératifs de l’innovation technologique. »

 

L’Espace La Risée, scène membre Teatricus avec Maya Gobeil – Photo : Nidesco

 

LA COLLABORATION AVEC TEATRICUS

 

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p style= »text-align: justify; »>Maya et Marie-Ève se disent très heureuses que Teatricus les ait approchées afin de promouvoir La Risée : «C’est ce genre de collaboration qui aide des petits organismes comme le nôtre à se faire connaître, parce qu’évidemment, nous ne disposons pas d’un budget de 20000 $ pour propager l’information. C’est sur les plans du partage d’informations et de la promotion que le bât blesse. Certes, La Risée se fait de plus en plus connaître, mais ce genre de collaboration est essentielle pour que s’amplifie le bouche-à-oreille, et donc notre visibilité. En fait, c’est ce genre d’échange qui nous permet de survivre. Sans partenariat avec Teatricus par exemple, nous aurions fonctionné plus lentement et nous serions passées à côté du savoir-faire et des outils qui nous faisaient défaut. Nous aurons beau dire que nous sommes des artistes qui gérons des artistes, nous ne pouvons certainement pas tout faire. Nous devons donc trouver les bonnes personnes pour faire les bonnes choses aux bonnes places. Nous croyons à la relève et aux artistes féminines, mais nous sommes également contentes de savoir que des organismes croient aussi en nous, en notre vision et en notre raison
d’être. Ce qui est difficile pour l’entrepreneur culturel, c’est d’avoir à composer avec le fait que peu de gens ont le temps et la capacité de vraiment l’aider. C’est bien de nous “faire part” de votre intérêt pour nos projets, mais rien ne vaut le fait de mettre la main à la pâte. Un soutien minime peut nous aider. On devrait pouvoir se soutenir entre artistes. »

Rédaction : Gianmarco Muia
Entrevue & crédits photos: Nidesco

 

Pour lire et/ou télécharger l’article en PDF, cliquez sur le lien suivant :

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